Page:Sand - Adriani.djvu/202

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trompe lui-même. Je me suis parfaitement rappelé tout à l’heure la manière dont notre grand-cousin, M. de Montesclat, nous parla de lui, il y a environ trois ans, à son retour de Paris. Lui aussi se pique de flonflons, et il nous dit qu’il n’avait rien entendu de plus parfait dans son voyage qu’un certain Adriani qui avait chanté, je ne sais plus sur quel théâtre, au bénéfice de je ne sais plus quoi… Attendez ! c’était au bénéfice des réfugiés italiens. Oui, c’est cela. Triste prétexte ou triste motif, ma fille, qui prouverait que ce monsieur a des opinions fort contraires à celles de votre monde !

La marquise parla encore longtemps sur ce ton et démontra par a plus b qu’un homme, livré à la critique, l’était à l’insulte : en quoi elle ne se trompait pas beaucoup ; mais, comptant pour rien, ignorant même tout à fait ce que les vocations vraies ordonnent aux artistes de savoir souffrir, elle fit de subtiles distinctions entre l’honneur du gentilhomme, qui peut demander raison à un malotru, et celui de l’artiste, qui ne peut faire tirer l’épée à toute une salle, et qui, pour recevoir l’aumône des applaudissements, s’expose de gaieté de cœur à l’outrage des sifflets. Enfin, elle fut logique à son point de vue, diserte à sa manière, et conclut en suppliant sa belle-fille de lui faire un serment sur l’Évangile : c’est qu’elle renverrait l’artiste le lendemain, après lui avoir ôté radicalement la prétention d’être son mari.