Page:Sand - Adriani.djvu/242

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— Oui, oui, je vous communiquerai cela là-bas, et vous me donnerez conseil. J’aurai préparé mon terrain. Je connais tout le personnel administratif et artiste des théâtres lyriques ; j’aurai un tour de faveur quand je voudrai. Tenez, mon enfant, vous ne m’avez pas seulement sauvé de ma ruine, vous avez fait ma fortune. Je périssais ici ; forcé de m’annihiler dans les soucis matériels, je n’avais plus d’inspiration ! Oh ! ne dites pas le contraire ! je le sais, je me connais, allez ! Eh bien, je vais refleurir au soleil de l’intelligence ! Je ne suis pas fait pour cette vie bourgeoise et rustique. Je me suis trompé quand j’ai cru que la solitude et le soleil du Midi me seraient favorables. Je suis une plante du Nord, moi, et je me sens étranger ici. Il me faut le brouillard mystérieux et le tumulte harmonieux des grandes villes ; il me faut la conversation, l’échange des idées, les émotions vigoureuses de l’art et les luttes de l’ambition littéraire. Vous verrez, vous verrez ! Débarrassé des sales paperasses d’huissier et de notaire, je vais m’élancer dans ma sphère véritable. J’aurai du succès, et de la gloire, et de l’argent ! car il en faut, voyez-vous, pour soutenir la dignité de l’art. Quand j’aurai fait gagner des millions aux entreprises théâtrales, tous ces gens-là croiront en moi, et je pourrai tenter des choses nouvelles, faire entrer le drame lyrique dans des voies inexplorées. C’est une mine d’or que les cent mille francs que vous