Page:Sand - Adriani.djvu/83

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propre, était la plus grande preuve possible de l’oubli, où, comme homme, je suis destiné à être enseveli par elle.

En somme, c’est une femme ravissante, une nature adorable. Tu la connais, si tu te souviens bien de sa figure, qui est le moule exact de son esprit et de son caractère. C’est un esprit sérieux, c’est un caractère angélique. On voit que cette bouche n’a jamais pu dire une médisance, une méchanceté, une dureté quelconque. On sent que cette âme n’a jamais admis la pensée du mal. C’est une musique que sa voix, et toute la douceur, toute l’égalité de son âme, sont dans sa moindre inflexion, dans sa plus insignifiante parole. Elle a pourtant la prononciation nette et le r un peu vibrant des femmes méridionales. Mais une distinction à la fois innée et acquise efface ce que cette habitude a de vulgaire et d’affecté chez les Languedociennes, pour n’y laisser que ce qu’elle a d’harmonieux et de secrètement énergique.

Je n’osais pas la prier de chanter ; ce fut Muiron qui s’en chargea, et j’appuyai sur la proposition.

— Chanter après vous, me dit-elle, serait une grande preuve d’humilité chrétienne, et je n’hésiterais pas si je le pouvais ; mais, aujourd’hui, non ! je ne le pourrais pas ! Un autre jour, si vous voulez.

— Un autre jour ? lui dis-je en me levant. Il me sera donc permis de venir vous distraire encore un peu avec mes chansons ?