Page:Sand - Cadio.djvu/167

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et je suis venu essayer de faire un peu de commerce en Bretagne.

CORNY. Et comme vous êtes savant et entendu à toute sorte d’affaires, on vous a nommé municipal de la paroisse. On a bien fait ; ça vous retient chez nous (avec un signe d’intelligence), où ce que la Loire porte bateaux… et autres ! Il n’y a point de mal à ça. Vous êtes un homme sage, qui sait fermer les yeux quand il ne faut pas trop les ouvrir. (Lui poussant le coude en voyant approcher la Tessonnière.) Hein ! vous n’y regardez point de trop près ?

REBEC, riant. Non, j’ai la vue basse, et puis je n’ai pas un brin de mémoire. Il y a comme ça un tas de figures que je rencontre dans les prés, dans les champs, jusque dans votre cour, et je ne pourrais pas mettre leur nom dessus.


SCÈNE II. — Les Mêmes, LA TESSONNIÈRE, en paysan.

LA TESSONNIÈRE. Tiens ! te voilà, Rebec ?

REBEC, avec affectation. Bonjour, père Jacques, bonjour ! Ça va bien, mon brave homme ? (À Corny.) Vous voyez, je ne le reconnais pas du tout, celui-là.

CORNY, bas. Et puis vous ne voudriez pas faire de tort à un pauvre homme comme moi. C’est notre profit, à nous autres, d’en cacher tant qu’on peut.

REBEC, de même. Ça ne paye pourtant guère ; ça n’a plus rien.

CORNY. Bah ! ça payera plus tard ; on a confiance. Et puis il y en a qui ont encore des vieux louis cousus dans leurs vieux habits, et ceux-là payent pour les autres. Faut dire qu’ils se soutiennent bien entre eux, et point chichement…