Page:Sand - Cadio.djvu/240

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reux. A-t-on osé punir nos soldats parce qu’ils ont mainte fois refusé de fusiller les prisonniers ?

CADIO. Alors, selon toi, ce n’est pas le peuple qui a fait la Révolution ? Si cela est vrai, gloire aux hommes qui l’ont faite sans lui et pour lui !

HENRI. Oui, tu as raison ; mais ne peut-on faire ces grandes choses sans les souiller par la fureur et la vengeance ?

CADIO. On ne le peut pas !

HENRI. Tu es convaincu de ce que tu dis là, Cadio ?

CADIO. Je le suis.

HENRI. Tu pries Dieu, dis-tu, et voilà ce qu’il t’a révélé dans la prière ?

CADIO. Dieu n’explique rien à l’homme. Il le frappe, le brise, le pétrit et le renouvelle. On le questionne ardemment, il ne répond pas ; mais, un matin, après beaucoup de souffrance et d’agitation, on s’éveille changé et retrempé : c’est lui qui l’a voulu ! Vous appelez cela la force des choses, je veux bien ; mais la force des choses, c’est Dieu qui agit en nous et sur nous.

HENRI. Prends garde, mon cher enfant, te voilà fanatique et fataliste. Je te voulais républicain et brave : tu dépasses le but avant d’avoir fait le premier pas ! La compagnie du maître charpentier et la vue malsaine de cet échafaud et de cette prison te font du mal. Je t’emmènerai demain.

CADIO. J’irai où tu voudras, mais laisse-moi te répondre. Tu me voulais républicain, j’étais indifférent. Tu me voulais brave, j’étais lâche.

HENRI. Non certes !

CADIO. Si fait ! Je savais bien accepter la mort, mais en la détestant, et j’étais sensible ; je craignais