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Page:Sand - Cadio.djvu/369

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de ma tête, dans ce village où l’on s’est battu avec fureur. Quand je me suis éveillé de cette léthargie, il faisait nuit. Un silence lugubre régnait partout, j’étais dans les ténèbres, je ne me rappelais plus rien. Je me suis cru enterré vivant avec d’autres cadavres qui m’apparaissaient dans la lueur glauque de l’hallucination. J’ai vu le cadavre du pauvre enfant, qui me regardait avec ses yeux hébétés et son rire affreux. J’ai vu la folle, qui rampait le long des murs humides et qui traversait la voûte en volant comme une chauve-souris. J’ai eu peur, oui, moi, j’ai eu peur !… Une sueur froide glaçait mes membres. Enfin, j’ai surmonté ce cauchemar, j’ai commandé à mon énergie. J’ai tordu et arraché les barres de fer du soupirail, je suis sorti ! J’ai erré dans le village sans y rencontrer un visage ami. Les habitants s’étaient renfermés chez eux. De la maison de Rebec convertie en ambulance partaient les gémissements des blessés. Quelques soldats républicains les gardaient. J’ai écouté, caché dans l’ombre. Les officiers étaient partis pour rejoindre un des corps de Hoche avec quelques hommes valides. De Louise, de sa tante et de la Korigane, je n’ai rien pu apprendre, sinon qu’elles n’étaient plus là. J’ai pensé qu’elles avaient été entraînées ici par les fuyards, car les bleus parlaient d’une panique qui avait refoulé sur Quiberon chouans et habitants du rivage pêle-mêle. J’ai traversé miraculeusement les avant-postes républicains, cherchant à apercevoir quelque barque anglaise que je pusse héler et joindre à la nage. N’en voyant aucune, j’ai longtemps marché sur le sable, dans l’eau jusqu’à la poitrine, et mourant de faim et de soif. Enfin une barque s’est approchée aux premières clartés du matin, et je me suis jeté