Page:Sand - Cesarine Dietrich.djvu/128

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trop vite. Elle voulait se lancer, elle se lança, et de ce jour elle sortit seule dans sa voiture, et rendit des visites sans se faire accompagner par personne. Cette excentricité ne déplut point, bien qu’on la blâmât. Elle lutta avec tant de fierté et de résolution qu’elle triompha des doutes et des craintes des personnes les plus sévères. Je tremblais qu’elle ne prit fantaisie d’aller seule à pied par les rues. Elle s’en abstint et en somme, protégée par ses gens, par son grand air, par son luxe de bon goût et sa notoriété déjà établie, elle ne courait de risques que si elle eût souhaité d’en courir, ce qui était impossible à supposer.

Cette liberté précoce, à laquelle son père n’osa s’opposer dans la situation d’esprit où il la voyait, l’enivra d’abord comme un vin nouveau et lui fit oublier son caprice pour mon neveu ; elle l’éloigna même tout à fait de la pensée du mariage.

Paul revint d’Allemagne, et mes perplexités revinrent avec lui. Je ne voulais pas qu’il revît jamais Césarine ; mais comment lui dire de ne plus venir à l’hôtel Dietrich sans lui avouer que je craignais une entreprise plus sérieuse que la première contre son repos ? Césarine semblait guérie, mais à quoi pouvait-on se fier avec elle ? Et, si, à mon insu, elle lui tendait le piège du mariage, ne serait-il pas ébloui au point d’y tomber, ne fût-ce que quelques jours, sauf à souffrir toute sa vie d’une si terrible déception ?

Je me décidai à lui dire toute la vérité, et je devançai sa visite en allant le trouver à son bureau. Il avait un cabinet de travail chez son éditeur ; j’y étais