Page:Sand - Cesarine Dietrich.djvu/260

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Une seule personne, celle qui jusque-là avait été la plus confiante, Marguerite, sans autre lumière que son instinct, devina ou plutôt sentit la fatalité qui l’enveloppait ; elle le sentit d’autant plus douloureusement qu’elle adorait la belle marquise et ne l’accusait de rien. Sa jalousie éclatait d’une manière tout opposée à celle que nous avions redoutée. Un jour, je la trouvai en larmes, et, bien que j’eusse quelque ennui à écouter ses plaintes, je fus forcée de les entendre.

— Voyez-vous, me dit-elle, vous me croyez heureuse ; eh bien ! je le suis moins qu’avant ce mariage tant désiré. Je m’instruis un peu. Paul a un peu plus de temps pour s’occuper de moi, et il croit me faire grand bien en m’apprenant à raisonner. Cela me tue au contraire, car voilà que je comprends un tas de choses dont je ne me doutais pas, et toutes ces choses sont tristes, toutes me blessent ou me condamnent. Il ne peut pas me parler de ce qui est bien ou mal sans que je me rappelle le mal que j’ai fait et la répugnance qu’il doit avoir pour mon passé. Il me dit bien que je dois l’oublier, puisque tout est réparé ; mais qu’est-ce qui a réparé ? C’est lui, au risque de sa vie, en prenant la vie d’un autre et en me refaisant un honneur avec du sang. Il est bon, il s’est mis à plaindre celui qu’il détestait, et la pitié qu’il a pour son ennemi le rend triste quand il entend dire qu’il mourra. S’il m’aimait assez pour s’en consoler ! Mais voilà ce qui ne se peut pas. Ce n’est pas le tout d’être jolie femme et d’aimer à la folie ; il faut encore avoir