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Page:Sand - Cesarine Dietrich.djvu/307

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sur un fauteuil, il éclata d’un rire nerveux entrecoupé de sanglots étouffés.

— Qu’est-ce donc ? m’écriai-je, qu’as-tu ! es-tu malade ? es-tu fou ?

— Non, non ! répondit-il avec un violent effort sur lui-même pour se calmer, ce n’est rien. Je souffre, mais ce n’est rien.

— Mais enfin… cette souffrance… Malheureux enfant, tu l’aimes donc ?

— Non, ma tante, je ne l’aime pas dans le sens que vous attachez à ce mot-là ; elle n’est pas mon idéal, le but de ma vie. Si elle le croit, détrompez-la, elle n’est même pas mon amie, ma sœur, mon enfant, comme Marguerite ; elle n’est rien pour moi qu’une émouvante beauté dont mes sens sont follement et grossièrement épris. Si elle veut le savoir, dites-le-lui pour la désillusionner ; mais, non, ne lui dites rien, car elle se croirait vengée de ma résistance, et elle est femme à se réjouir de mon tourment. Cela n’est pourtant pas si grave qu’elle le croirait. Les femmes s’exagèrent toujours les supplices qu’elles se plaisent à nous infliger. Je ne suis pas M. de Rivonnière, moi ! Je ne deviendrai pas fou, je ne mourrai pas de chagrin, je ne souffrirai même pas longtemps. Je suis un homme, et jamais une convoitise de l’esprit ni de la chair, comme disent les catholiques, n’a envahi ma raison, ma conscience et ma volonté. Le conseil que je viens de donner m’a coûté, je l’avoue. Il m’a passé devant les yeux des lueurs étranges, mon sang a bourdonné dans mes oreilles, j’ai cru que j’allais