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Page:Sand - Cesarine Dietrich.djvu/327

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» — Passez, madame la marquise, répondis-je froidement, sans perdre mon temps à lui adresser un salut qu’elle ne m’eût pas rendu.

» Elle passa comme un éclair, suivie de son groom, laissant un peu en arrière le cavalier qui l’accompagnait, et qui n’était autre que le vicomte de Valbonne.

» Il s’arrêta, et, me tendant la main :

» — Comment, diable, c’est vous ? s’écria-t-il : j’accourais pour vous empêcher d’être renversé, car je voyais un promeneur distrait qui ne se rangeait pas devant l’écuyère la plus distraite qui existe. Savez-vous qu’un peu plus elle vous passait sur le corps ?

» — Je ne me laisse pas passer sur le corps, répondis-je. Ce n’est pas mon goût.

» — Hélas ! reprit-il, ce n’est pas le mien non plus ! À revoir, cher ami, je ne puis laisser la marquise rentrer seule dans la ville. »

Et il partit ventre à terre pour la rejoindre. — J’en savais assez.

— Quoi, mon enfant ? que sais-tu ?

— Je sais que le pauvre vicomte, tout rude qu’il est de manières et de langage, est devenu, en qualité de cible, mon remplaçant aux yeux de l’impérieuse Césarine, qu’il a été moins heureux que moi, et qu’elle lui a passé sur le corps ! J’ai vu cela d’un trait à son regard, à son accent, à ses trois mots d’une amertume profonde. On lui fait expier son hostilité par un servage qui pourra bien durer autant que celui du marquis, c’est-à-dire toute la vie. Rivonnière est heureux, lui ; il se croit adoré, et il passe pour l’être. Valbonne est