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Page:Sand - Cesarine Dietrich.djvu/36

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de M. Dietrich, aviez-vous rêvé mieux pour moi. Peut-être M. Dietrich, par une faveur spéciale, m’eût-il fait sauter par-dessus les quelques degrés nécessaires à mon apprentissage. C’est ce que je ne désire pas, je ne veux pas appartenir à un bienfaiteur, quel qu’il soit. M. Latour m’accepte parce qu’il sait que je suis un garçon sérieux. Il ne me fait et ne me fera aucune grâce. Mon avenir est dans mes mains, non dans les siennes. Il ne m’a accordé aucune parole de sympathie, il ne m’a fait aucune promesse de protection. C’est un positiviste très-froid, c’est donc l’homme qu’il me faut. J’apprendrai chez lui le métier de commerçant et en même temps j’y continuerai mon éducation, son magasin étant une bibliothèque, une encyclopédie toujours ouverte. Il faudra que j’apprenne à être une machine le jour, une intelligence à mes heures de liberté ; mais, comme il m’a dit que j’aurais des épreuves à corriger, je sais qu’on me laissera lire dans ma chambre : c’est tout ce qu’il me faut en fait de plaisirs et de liberté.

Il fallut me contenter de ce qui était arrangé ainsi. Paul n’était pas encore dans l’âge des passions ; tout à sa ferveur de novice, il croyait être toujours heureux par l’étude et n’avoir jamais d’autre curiosité.

M. Dietrich, à qui je racontai notre entrevue sans lui rien cacher, me dit qu’il augurait fort bien d’un caractère de cette trempe, à moins que ce ne fût un éclair fugitif d’héroïsme, comme tous les jeunes gens croient en avoir ; qu’il fallait le laisser voler de ses propres ailes jusqu’à ce qu’il eût donné la mesure de