Page:Sand - Cesarine Dietrich.djvu/94

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avec monsieur ton neveu. Figure-toi, ma chérie, qu’il jure sur son honneur que je lui suis parfaitement indifférente, vu qu’il ne me connaît pas. Or la chose est impossible. Tu n’as pas consacré six ans de ta vie à me servir de sœur et de mère sans lui avoir jamais parlé de moi, comme tu m’as parlé de lui. Je le connais, moi ; je le connais parfaitement par tout ce que tu m’as dit de ses occupations, de son caractère, de sa santé, de tout ce qui t’intéressait en lui. Je pourrais dire combien de rhumes il a toussés, combien de livres il a dévorés, combien de prix il a conquis au collège, combien de vertus il possède…

— Mais, interrompit gaiement mon neveu, vous ne sauriez dire combien de mensonges j’ai faite à ma tante pour avoir des friandises quand j’étais enrhumé, ou pour lui donner une haute opinion de moi quand je passais mes examens. Moi, je ne saurais dire combien d’illusions d’amour maternel se sont glissées dans le panégyrique qu’elle me faisait de sa brillante élève. Il est donc probable que vous ne me faites pas plus l’honneur de me connaître que je n’ai celui de vous apprécier.

— Vous n’êtes pas galant, vous ! reprit Césarine d’un ton dégagé.

— Cela est bien certain, répondit-il d’un ton incisif. Je ne suis pas plus galant qu’un des meubles ou une des statues de votre palais de fées. Mon rôle est comme le leur, de me tenir à la place où l’on m’a mis et de n’avoir aucune opinion sur les choses et les personnes que je suis censé voir passer.