Page:Sand - Cesarine Dietrich.djvu/98

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— Pourquoi n’avez-vous jamais voulu me voir en famille ?

— Ma tante a dû vous le dire ; je n’ai pas de loisirs.

— Vous en trouvez pourtant pour causer avec des gens graves. Il y a ici des savants. Je leur ai demandé s’ils vous connaissaient, ils m’ont dit que vous étiez un jeune homme très-fort…

— En thème ?

— En tout.

— Et vous avez voulu vous en assurer ?

— Ceci veut être méchant. Vous ne m’en croyez pas capable ?…

— C’est parce que je vous en crois très-capable que mon petit orgueil se refuse à l’examen.

Elle n’a pas répondu, ajouta Paul, et, reprenant ce jeu d’éventail que je trouve agaçant comme un écureuil tournant dans une cage, elle s’est écriée tout d’un coup :

— Savez-vous, monsieur, que vous me faites beaucoup de mal ?

Je me suis levé tout effrayé, me demandant si mon pied n’avait pas heurté le sien.

— Vous ne me comprenez pas, a-t-elle dit en me faisant rasseoir. Je suis nourrie d’idées généreuses. On m’a enseigné la bienveillance comme une vertu sœur de la charité chrétienne, et je me trouve, pour la première fois de ma vie, en face d’une personne dénigrante, visiblement prévenue contre moi. Toute injustice me révolte et me froisse. Je veux savoir la cause de votre aversion.