Page:Sand - Constance Verrier.djvu/187

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« La femme eût pu me laisser seulement un souvenir poétique…, elle ne le voulut pas, ou du moins elle se sentit entraînée à m’en laisser un plus vif. En me donnant un de ses bouquets, elle toucha ma main, qui tremblait un peu , de sa main brûlante, en attachant des yeux humides sur les miens.

« Je suis homme, je suis jeune, j’ai eu une existence rigide et contenue, et pourtant je suis enthousiaste. Le désir m’envahit tout d’un coup, et j’eus beau me raisonner, je ne dormis pas de la nuit.

« Je passai la journée du lendemain à me combattre. Le soir, mes pieds me portèrent chez vous malgré moi. J’étais forcé de partir le jour suivant pour Édimbourg. Ceci me rassurait. Je vais la trouver entourée, me disais-je, et ma visite, qu’elle n’a pas autorisée, va lui sembler déplacée. Elle me battra froid ou elle ne m’apercevra pas. Je sortirai guéri de chez elle. »

— Ah ! tout cela n’est pas vrai ! dit la Mozzelli avec angoisse : vous aviez bien vu que la femme vous adorait déjà !

— Oui, j’avais cru le voir, et c’est pour cela que je perdis la tête ; mais je me disais que j’avais dû me tromper, que l’artiste, enivrée par son triomphe et brisée par ses émotions, devait avoir de ces moments d’abandon sympathique avec le premier venu, sans penser à lui peut-être, et que j’allais la retrouver hautaine ou moqueuse, et, à coup sûr, reposée et indifférente.

« J’entrai chez elle, surpris de la trouver seule. Elle