Page:Sand - Constance Verrier.djvu/213

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comme en délire, persuadé qu’il avait vu son spectre et qu’il allait la trouver morte. Maintenant, il était rassuré sur sa vie, mais non sur son pardon. Il attendait avec angoisse la fin de la conférence avec la Mozzelli. Quand il vit celle-ci sortir et se diriger vers le berceau, il ne put se décider à l’y suivre pour l’interroger ; mais quand il l’entendit sangloter, il craignit quelque nouveau malheur et se décida à l’y rejoindre.

— Quoi ! vous osez entrer ici et regarder ce banc-là ? lui dit Sofia avec véhémence. Vous venez voir si vous y retrouverez son cœur, oublié comme un bouquet ou comme un éventail ? Non, vous ne retrouverez rien : ce qui est tombé là, c’est son pauvre amour, et il y est resté enseveli. Elle ne vous aime plus, Raoul, car elle me pardonne, et elle veut me revoir. Cela veut dire qu’elle vous chasse et que, pas plus que moi, elle ne trouve qu’il faille se souvenir de vous.

« Je vous disais : nous l’avons tuée ! Non, elle vit, et elle vivra. Nous avons fait pis que de la tuer, elle vivra sans aimer ! J’ai senti cela à sa miséricorde facile et entière. Elle est si faible qu’il lui serait impossible de jouer un rôle dans ce moment-ci. D’ailleurs, c’est un ange, cette femme ! Elle en a la pitié, mais elle en a aussi les ailes ! La voilà qui s’envole sans vous regretter, sans seulement vous regarder. Où va-t-elle ? Quelle chose pourra l’occuper sur la terre, à présent ? Elle n’y vivait que pour l’amour. Le cherchera-t-elle partout comme j’ai fait, sans pouvoir le trouver ? Ou le méprisera-t-elle comme le méprise la