Page:Sand - Constance Verrier.djvu/234

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si j’avais su plus tôt ce que tu m’apprends ! Il m’avait bien fait entrevoir des fautes, quelques petits caprices ; j’étais bien en colère, mais je n’avais pas compris : je croyais que ça s’était passé en paroles, en bouquets, en singeries, que sais-je ? et je ne savais pas au juste avec qui ! C’est affreux de penser que tu as pardonné à ces dévergondées, que tu les embrassais, que tu as parlé de les revoir !

— Elles ne sont pas coupables envers moi, dit Constance avec douceur ; elles ne savaient pas que leur Raoul était mon Abel. Quand j’ai parlé de les revoir, j’espérais être morte auparavant. Je croyais aussi que je ne pourrais jamais me décider à revoir Abel. Et puis j’ai pensé que je devais rester son amie et sa sœur. Il n’a péché que contre l’amante, et je voulais, dès le premier jour, lui dire, devant toi, qu’il ne fallait plus songer au mariage. Mais je l’ai revu, et il avait tant souffert ! et il a l’air de m’aimer encore tant, que je ne me suis pas senti le courage de l’humilier et de l’affliger. Comment allons-nous faire, ma tante ? Je ne l’aime plus et je l’aime toujours. Comment arranger ça ?

— Tu l’aimes comme un ami d’enfance, comme tu l’aimais avant de savoir les projets de ton père, voilà tout ! Mais ce n’est pas une raison pour épouser un homme que l’on n’aime qu’à moitié.

— Ah ! chère tante, je l’ai tant aimé depuis quatre ans ! Comment faire pour oublier quatre ans de confiance et d’adoration ! C’était une religion ! Dieu, mon père, Abel et toi, c’était toute ma vie.