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Page:Sand - Constance Verrier.djvu/64

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trop d’effort, avec plus d’esprit que de repentir. Il était fort éloquent, et rien ne l’embarrassait.

« — J’étais amoureux de vous, me dit-il, dès le temps où je vous rencontrai au bras de votre amant. Votre extrême jeunesse, votre figure d’enfant honnête et bon m’avaient gagné le cœur. Mais, à mon âge, l’amour est plus compliqué que vous ne pensez. Il s’y mêle un instinct de paternité, une adoration pour les grâces de l’innocence. J’avais donc besoin de restituer cette innocence à votre être moral et d’être aimé de vous, non pas comme un protecteur utile, mais comme un ami véritable. J’avais obtenu ce résultat, le reste ne vous regardait pas et n’eût rien enlevé à la pureté de votre âme, à la douceur élevée de nos relations. Vous avez eu tort de vous méfier. Vous avez veillé comme Psyché, et, comme elle, vous avez mis l’Amour en fuite. À présent nos rapports ne peuvent plus être les mêmes, vous recouvrerez la santé, mais vous ne me chérirez plus, je le sens bien. Vous allez peut-être vouloir me quitter…

« — Vous en doutez ! m’écriai-je. Quoi ! vous n’en n’êtes pas sûr ?…

« Je m’arrêtai, frappée de l’expression satanique qui reparaissait sur cette figure blême et fine. L’instinct de la conservation m’éclaira tout à coup, et, soit que ce fût une exagération de mon horreur pour cet homme, soit que mon raisonnement soudain fût logique, je m’avisai du péril où je me livrais si je faisais la moindre menace. Le comte devait craindre