Page:Sand - Constance Verrier.djvu/73

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progrès qui désarmèrent les auditeurs scrupuleux et le directeur lui-même.

« Au bout de trois mois, j’étais réellement une actrice passable et une cantatrice bien douée qui donnait de l’espoir.

« J’eus encore un prodige à obtenir du ciel. C’est, étant forcée d’embrasser ma carrière à un âge où les moyens mêmes ne sont pas complets, de ne pas perdre ces moyens par une fatigue prématurée. Je n’avais pas seize ans, et je grandissais encore. Mais à peine avais-je quitté la fatale maison où l’on s’était joué de ma santé et de ma vie, que ma bonne constitution avait repris le dessus. Je n’avais plus de migraines ni de langueurs. Les émotions du théâtre étaient une issue naturelle à mes besoins d’action. Je dormais comme une pierre et je mangeais comme un jeune loup. Ma voix acquérait de l’éclat sans perdre de sa fraîcheur. Moi-même, j’acquérais une certaine beauté, de la grâce et de l’élégance. J’étais bonne fille, excellente camarade. J’étais aimée, j’étais heureuse ! »

— Vous étiez aimée, dit en souriant la duchesse, dites-nous donc ça !

— J’entends, répondit la Mozzelli. Vous ne me demandez pas l’histoire de ma carrière artistique, mais celle de mon cœur ; aussi j’ai passé vite sur mes aventures de théâtre, et je reviens à celles qui vous intéressent.

« J’étais aimée, vous ai-je dit, aimée de mes camarades, de mon directeur et de mon public. Mais je