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consuelo.

« — Cette action, que me commandait ma conscience, n’a eu que Dieu pour témoin ! reprit l’abbé, plus pâle encore. Comte Albert, qui a pu vous révéler… ?

« — Je vous l’ai dit, monsieur le chapelain, la voix qui parle plus haut que celle du prêtre !

« — Quelle voix, Albert ? demandai-je vivement intéressée.

« — La voix qui parle dans le sommeil, répondit Albert.

« — Mais ceci n’explique rien, mon fils, dit le comte Christian tout pensif et tout triste.

« — La voix du sang, mon père ! répondit Albert d’un ton qui nous fit tous tressaillir.

« — Hélas ! mon Dieu ! dit mon oncle en joignant les mains, ce sont les mêmes rêveries, les mêmes imaginations, qui tourmentaient sa pauvre mère. Il faut que, dans sa maladie, elle ait parlé de tout cela devant notre enfant, ajouta-t-il en se penchant vers ma tante, et que son esprit en ait été frappé de bonne heure.

« — Impossible, mon frère, répondit la chanoinesse : Albert n’avait pas trois ans lorsqu’il perdit sa mère.

« — Il faut plutôt, dit le chapelain à voix basse, qu’il soit resté dans la maison quelques-uns de ces maudits écrits hérétiques, tout remplis de mensonge et tissus d’impiétés, qu’elle avait conservés par esprit de famille, et dont elle eut pourtant la vertu de me faire le sacrifice à son heure suprême.

« — Non, il n’en est pas resté, répondit Albert, qui n’avait pas perdu une seule parole du chapelain, bien que celui-ci eût parlé assez bas, et qu’Albert, qui se promenait avec agitation, fût en ce moment à l’autre bout du grand salon. Vous savez bien, monsieur le chapelain, que vous avez tout détruit, et que vous avez encore, au lendemain de son dernier jour, cherché et fureté dans tous les coins de sa chambre.