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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 1.djvu/254

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consuelo.

les drapeaux contre lesquels leur père et leurs aïeux avaient si vaillamment combattu. Nous fûmes incorporés mes fils et moi, dans les rangs de la tyrannie autrichienne…

« — Tes fils et toi !… dit ma tante désespérée, voyant qu’il battait la campagne.

« — Oui, mes fils Sigismond et Rodolphe, répondit très-sérieusement Albert.

« — C’est le nom de mon père et de mon oncle, dit le comte Christian. Albert, où est ton esprit ? Reviens à toi, mon fils. Plus d’un siècle nous sépare de ces événements douloureux accomplis par l’ordre de la Providence.

« Albert n’en voulut point démordre. Il se persuada et voulut nous persuader qu’il était le même que Wratislaw, fils de Withold, et le premier des Podiebrad qui eût porté le nom maternel de Rudolstadt. Il nous raconta son enfance, le souvenir distinct qu’il avait gardé du supplice du comte Withold, supplice dont il attribuait tout l’odieux au jésuite Dithmar (lequel, selon lui, n’était autre que l’abbé, son gouverneur), la haine profonde que, pendant son enfance, il avait éprouvée pour ce Dithmar, pour l’Autriche, pour les impériaux et pour les catholiques. Et puis, ses souvenirs parurent se confondre, et il ajouta mille choses incompréhensibles sur la vie éternelle et perpétuelle, sur la réapparition des hommes sur la terre, se fondant sur cet article de la croyance hussitique, que Jean Huss devait revenir en Bohême cent ans après sa mort, et compléter son œuvre ; prédiction qui s’était accomplie, puisque, selon lui, Luther était Jean Huss ressuscité. Enfin ses discours furent un mélange d’hérésie, de superstition, de métaphysique obscure, de délire poétique ; et tout cela fut débité avec une telle apparence de conviction, avec des souvenirs si détaillés, si précis, et si intéressants, de ce qu’il prétendait avoir