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consuelo.

la main d’un homme soigneux et bien portant. À vrai dire, Consuelo ne put guère constater ce fait. Son émotion intérieure lui donnait une sorte de vertige ; et le regard d’Amélie, qui suivait tous ses mouvements, eût achevé de la déconcerter, si elle ne se fût armée de toute la force dont elle sentait avoir besoin pour conserver sa dignité vis-à-vis de cette malicieuse jeune fille. Elle rendit au comte Albert le profond salut qu’il lui fit en la conduisant auprès d’un siège ; et pas un mot, pas un regard ne fut échangé entre eux.

« Savez-vous, perfide Porporina, dit Amélie à sa compagne en s’asseyant tout près d’elle pour chuchoter librement à son oreille, que vous faites merveille sur mon cousin ?

— Je ne m’en aperçois pas beaucoup jusqu’ici, répondit Consuelo.

— C’est que vous ne daignez pas vous apercevoir de ses manières avec moi. Depuis un an, il ne m’a pas offert une seule fois la main pour passer à table ou pour en sortir, et voilà qu’il s’exécute avec vous de la meilleure grâce ! Il est vrai qu’il est dans un de ses moments les plus lucides. On dirait que vous lui avez apporté la raison et la santé. Mais ne vous fiez point aux apparences, Nina. Ce sera avec vous comme avec moi. Après trois jours de cordialité, il ne se souviendra pas seulement de votre existence.

— Je vois, dit Consuelo, qu’il faut que je m’habitue à la plaisanterie.

— N’est-il pas vrai, ma petite tante, dit à voix basse Amélie en s’adressant à la chanoinesse, qui était venue s’asseoir auprès d’elle et de Consuelo, que mon cousin est tout à fait charmant pour la chère Porporina ?

— Ne vous moquez pas de lui, Amélie, répondit Wenceslawa avec douceur ; mademoiselle s’apercevra assez tôt de la cause de nos chagrins.