Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 1.djvu/73

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
65
consuelo.

ne pas me fatiguer trop, avoir du sommeil, et ne pas trop souffrir de la faim.

— Consuelo, nous ne nous quitterons pas ; bientôt je serai riche, et tu ne manqueras de rien. Tu pourras donc être belle à ton aise.

— À la bonne heure. Que Dieu fasse le reste !

— Mais tout cela ne conclut à rien pour le présent, et il s’agit de savoir si le comte te trouvera assez belle pour paraître au théâtre.

— Maudit comte ! pourvu qu’il ne fasse pas trop le difficile !

— D’abord, tu n’es pas laide.

— Non, je ne suis pas laide. J’ai entendu, il n’y a pas longtemps, le verrotier qui demeure ici en face, dire à sa femme : sais-tu que la Consuelo n’est pas vilaine ? Elle a une belle taille, et quand elle rit, elle vous met tout le cœur en joie ; et quand elle chante, elle paraît jolie.

— Et qu’est-ce que la femme du verrotier a répondu ?

— Elle a répondu : qu’est-ce que cela te fait, imbécile ? Songe à ton ouvrage ; est-ce qu’un homme marié doit regarder les jeunes filles ?

— Paraissait-elle fâchée ?

— Bien fâchée.

— C’est bon signe. Elle sentait que son mari ne se trompait pas. Et puis encore ?

— Et puis encore, la comtesse Mocenigo, qui me donne de l’ouvrage, et qui s’est toujours intéressée à moi, a dit la semaine dernière au docteur Ancillo, qui était chez elle au moment où j’entrais : regardez donc, monsieur le docteur, comme cette zitella a grandi, et comme elle est devenue blanche et bien faite !

— Et qu’a répondu le docteur ?

— Il a répondu : c’est vrai, Madame, par Bacchus ! Je ne l’aurais pas reconnue ; elle est de la nature des fleg-