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Page:Sand - Contes d’une grand’mère, 1906.djvu/82

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J’étais jeune et j’étais fou. J’aimais à tirer à moi et à ronger les bâtons. C’est une rage que j’ai conservée pendant toute ma vie de chien et qui tenait à ma race, à la force de ma mâchoire et à l’ouverture énorme de ma gueule. Evidemment la nature avait fait de moi un dévorant. Instruit à respecter les poules et les canards, j’avais besoin de me battre avec quelque chose et de dépenser la force de mon organisme. Enfant comme je l’étais, je faisais grand mal dans le petit jardin de la vieille dame ; j’arrachais les tuteurs des plantes et souvent la plante avec. Le jardinier voulait me corriger, ma maîtresse l’en empêchait, et, me prenant à part, elle me parlait très sérieusement. Elle me répétait à plusieurs reprises, en me tenant la tête et en me regardant bien dans les yeux :

» — Ce que vous avez fait est mal, très mal, on ne peut plus mal !

» Alors, elle me plaçait un bâton devant moi et me défendait d’y toucher. Quand j’avais obéi, elle disait :

» — C’est bien, très bien, vous êtes un bon chien.