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Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 1.djvu/104

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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

grand et fatigant Paris, comment prenez-vous le fardeau de l’existence ? Ah ! il est lourd à porter par un temps chaud, avec de longues courses à faire. Je m’y suis amusé ou amusée (comme votre sublime exactitude grammaticale l’entendra). Mais je suis bien aise d’être de retour. Arrangez cela comme vous voudrez.

J’en conclus que je me trouve bien partout, grâce à ma haute philosophie, ou à ma profonde nullité. Vous aimiez assez notre vie paisible, vous êtes né pour cela, et vous avez une tournure faite exprès pour le grand canapé somnifère de mon silencieux salon. Ne viendrez-vous pas bientôt y lire les journaux ou vous y enfoncer dans une léthargie demi-méditative, demi-ronflante ?

Il me tarde de vous embrasser, mon cher enfant, de vous morigéner par-ci par-là, avec toute l’autorité que mon âge vénérable et mon caractère grave me donnent sur votre folâtre jeunesse. En attendant, écrivez-moi, ou nous nous fâcherons.

Bonsoir, mon cher fils ; je suis toujours à moitié aveugle : c’est pour qu’il ne me manque aucune des infirmités dont l’imbécillité se compose.

Cela ne m’empêche pas de vous aimer tendrement. Quand vous viendrez, demandez, je vous prie, à madame Saint-Agnan si elle n’a rien à m’envoyer de chez Gondel[1]. Achetez-moi aussi quelques cahiers de

  1. Gondel, marchand.