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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

tres. Ah ! que j’envie votre sort ! Vous n’avez pas d’enfant ! Vous êtes seul ; moi, je veille comme une louve veille sur ses petits. S’ils étaient menacés, je me ferais mettre en pièces.

Mais que voulais-je vous dire ? Mes pensées se ressentent du désordre général. Courez à l’hôtel d’Elbœuf, place du Carrousel. Il est pillé, dévasté sans doute. Sachez si ma tante, madame Maréchal, et sa famille ont échappé aux désastres de ces journées de meurtre. Mon oncle était inspecteur de la maison du roi. Je me flatte qu’il était absent. Mais sa femme et sa fille, seules au centre de la tempête ! Son gendre est brigadier aux gardes du corps ; est-il mort ? S’il ne l’est pas, vivra-t-il demain ? Je n’ai pas le courage de leur écrire. D’ailleurs, où sont-ils ? Et puis peuvent-ils songer, s’ils ont été maltraités, comme je le crains, à donner de leurs nouvelles ? Mais vous, mon enfant, qui êtes actif, bon et dévoué à vos amis, vous pouvez peut-être me tirer de cette horrible inquiétude. Faites-le si le combat a cessé, comme on le dit. Hélas ! ne recommencera-t-il pas bientôt ?

Que je vous dise ce qui se passe chez nous. Notre ville est la seule qui se montre vraiment énergique. Qui l’aurait cru ? elle seule marche. Châteauroux est moins déterminée. Issoudun ne l’est pas du tout ; néanmoins, les gardes nationales s’organisent, et, si l’autorité (l’autorité renversée) lutte encore, nous résisterons bien. Dans ce moment, la gendarmerie est la seule force qu’on ait à nous opposer ; c’est si