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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

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S’ennuyer ! je ne le conçois pas pour vous. Être triste ! c’est différent, cela. Cette solitude, les dégoûts de cette petite existence de la province, sont bien faits pour serrer le cœur. J’en sais quelque chose. Quelque chose seulement, car j’ai une ressource immense : la société de mes enfants. Vous, tout seul, tout rêveur, sans un ami qui vous comprenne bien, souffrant de ces peines sans nom que le vulgaire regarde comme une manie et une affectation, cherchant à répandre votre cœur dans un cœur de la même nature, et ne trouvant que de bonnes et simples âmes qui vous disent d’un air surpris : « Comment ! vous vous plaignez ? n’êtes-vous pas riche ? À votre place, je serais heureux ! » etc.

Eh bien, je vous vois d’ici et je sais tout ce que vous devez souffrir. L’isolement tue les âmes actives. Il énerve le caractère ; mais il redouble le feu intérieur et joint, au tourment de désirer, le tourment de ne pouvoir pas vouloir.

N’est-ce pas là où vous en êtes souvent ? Je n’ose pas vous dire : « Sortez-en, venez à nous ! » Mais combien je le désire ! nous vous aimons comme vous méritez d’être aimé. Je crois qu’au milieu de nous, vous reprendrez vite à la vie. Écrivez donc souvent et beaucoup ; vous avez toujours le temps, vous.

Si vous allez à Nohant, dites donc à Boucoiran que mon fils m’écrit bien peu, et que cela me fait beaucoup de peine.

Adieu, mon ami. Écrivez, ou faites mieux, venez !