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Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 2.djvu/108

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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

réjouie au dernier point, parce que, là, je vois ce que j’ai tant cherché en vain dans ce monde : la bienveillance, la justice, la raison et la bonté se donnant la main.

Croyez, cher major, que je n’étais pas par nature aussi folle que je le suis devenue par réaction. Si j’eusse eu, dans ma jeunesse, des amis éclairés et tendres à la fois, j’eusse fait quelque chose de bon ; mais je n’ai trouvé que des fous ou des insensibles et, naturellement, j’ai préféré les premiers. Je sais qu’à ma place vous en eussiez fait autant, à supposer que vous eussiez pu jamais, même le jour de votre naissance, avoir autant d’ignorance et de crédulité que j’en avais à vingt-cinq ans !

Les réflexions philosophiques qui terminent l’action de votre conte m’ont vivement frappée. La cinquième, la neuvième, la dix-neuvième, la vingt-cinquième, la vingt-neuvième et la dernière me sont restées et me resteront dans l’esprit comme, dans mon enfance, certains versets de la Bible ou certaines maximes des vieux sages. Elles me plaisent d’autant plus qu’elles m’arrivent dans un moment où je suis plus disposée à les entendre : je suis un peu plus vieille qu’il y a deux ans, et je crois que je suis en voie de me réconcilier, ou de vouloir bien me réconcilier avec mes contraires.

Je ne crois pas que la nature de mon esprit me porte jamais à mordre assez à la philosophie pour prendre une initiative quelconque. Mais peut-être