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Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 2.djvu/145

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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

que nous ignorions. Nous avons appris, en arrivant chez le docteur Cauvière (où nous nous reposons de nos fatigues), tout ce qui s’était passé en France durant notre absence. Au delà de la frontière, il y a comme une muraille de la Chine, entre les nouvelles de la civilisation et l’immobilité du vieux monde. Mais ces nouvelles sont tristes. Encore des victimes généreuses et folles inutilement sacrifiées ! encore du temps perdu ! encore un bon coup de vent pour la monarchie, en attendant le naufrage inévitable, mais trop tardif !

Nous partons après-demain matin pour Nohant. Adressez-moi là votre prochaine lettre ; nous y serons dans huit jours. Ma voiture est arrivée de Châlon à Arles, par bateau et nous nous en irons en poste, tout tranquillement, couchant dans les auberges comme de bons bourgeois.

On me cherche la brochure de l’abbé de Lamennais ; mais on ne la trouve pas encore. Marseille est très arriérée. Le docteur Cauvière lit l’Encyclopédie[1] et se passionne pour Leroux et Raynaud avec une ardeur libérale et philosophique qui le rajeunit de quarante ans. Il va dans toute la ville prônant cette doctrine, et il me remercie de l’avoir initié. Il rêve de venir à Paris, rien que pour voir Leroux, qu’il se reproche de n’avoir pas connu plus tôt.

C’est un bien digne homme que ce docteur ; je le

  1. Cette Encyclopédie nouvelle ne fut pas continuée.