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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

Mais elles sont le fait de l’oisiveté, de la curiosité et de la vanité. Je n’ai garde d’y répondre, quand je n’y vois aucune utilité pour moi ou pour les autres. Cela me fait des ennemis. Je m’y résigne, ne pouvant l’éviter et n’ayant pas le moyen de payer un secrétaire pour la satisfaction d’autrui. Vous avez mieux à faire, mon cher enfant, que de gaspiller votre temps si rare, et vos forces si nécessaires, à de menues expansions de banale correspondance où l’on est toujours poussé par le besoin de parler de soi. Quand vous avez une heure de reste le soir, lisez donc de bons vers et de bonne prose, et, sans vous attacher à imiter aucun auteur, vous prendrez, sans vous en apercevoir, l’habitude d’un goût plus sévère et d’une pureté de forme plus soutenue.

Quant aux lettres que vous m’écrivez, mon cher poète, et que je reçois toujours avec un vrai plaisir, ne vous demandez pas si elles sont bien écrites. Elles le sont. Votre cœur y parle, et le lecteur n’y cherche pas autre chose.

Si vous avez le courage de faire ce que je vous dis, avant peu de mois, vous vous réveillerez un beau jour ayant beaucoup acquis, et, sans vous en rendre compte peut-être, vous aurez trouvé des formes irréprochables pour rendre vos pensées nobles et chaleureuses.

Mais le travail, la maladie, la misère, me direz-vous ? Oh ! je sais bien ce que c’est. Si vous comptez vivre de votre plume, et progresser en même temps, je vous dirai que c’est trop pour commencer, et qu’il