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Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 2.djvu/7

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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

car vous les avez vus sur vos montagnes cent fois plus beaux que moi dans mon petit vallon. Ce que vous me dites de Franz me donne une envie vraiment maladive et furieuse de l’entendre. Vous savez que je me mets sous le piano quand il en joue. J’ai la fibre très forte et je ne trouve jamais des instruments assez puissants. Il est, au reste, le seul artiste du monde qui sache donner l’âme et la vie à un piano. J’ai entendu Thalberg à Paris. Il m’a fait l’effet d’un bon petit enfant bien gentil et bien sage. Il y a des heures où Franz, en s’amusant, badine comme lui sur quelques notes pour déchaîner ensuite les éléments furieux sur cette petite brise.

Attendez-moi, pour l’amour de Dieu ! Je n’ose pourtant pas vous en prier ; car l’Italie vaut mieux que moi. Et je suis un triste personnage à mettre dans la balance pour faire contre-poids à Rome et au soleil. J’espère un peu que l’excessive chaleur vous effrayera et que vous attendrez l’automne.

Êtes-vous bien accablée de cette canicule ? Peut-être ne menez-vous pas une vie qui vous y expose souvent. Moi, je n’ai pas l’esprit de m’en préserver. Je pars à pied à trois heures du matin, avec le ferme propos de rentrer à huit ; mais je me perds dans les traînes, je m’oublie au bord des ruisseaux, je cours après les insectes et je rentre à midi dans un état de torréfaction impossible à décrire.

L’autre jour, j’étais si accablée, que j’entrai dans la rivière tout habillée. Je n’avais pas prévu ce bain,