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Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 5.djvu/174

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DCXXVI

À M. HENRY HARRISSE, À PARIS


Nohant, 19 janvier 1867.


Merci pour votre excellente lettre, mon cher Américain. Tous les détails que vous me donnez sont bons ; que Sainte-Beuve se porte mieux surtout, cela me cause une joie réelle. Moi, je lutte contre l’anémie qui me menace, et je ne songe même pas à travailler du cerveau. Je plante des choux toute la journée, ou je couds des rideaux et des courtepointes, le tout à l’effet de m’installer ici dans une chambre plus petite et plus chaude que celle où je travaille. Je me suis tapissée en bleu tendre parsemé de médaillons blancs où dansent de petites personnes mythologiques. Il me semble que ces tons fades et ces sujets rococos sont bien appropriés à l’état d’anémie et que je n’aurai là que des idées douces et bêtes. C’est ce qu’il me faut maintenant.

Le beau berrichon de ma jeunesse est aujourd’hui une langue morte ; la bourrée, cette danse si jolie, est remplacée par de stupides contredanses ; nos chants du pays, admirables autrefois et qui faisaient l’admiration de Chopin et de Pauline Garcia, cèdent le pas à la Femme à barbe. De belles routes remplacent nos sentiers où l’on se perdait ; de vieux ombrages presque