Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 5.djvu/9

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

représentes l’aisance, la sécurité, l’indépendance, le repos nécessaire à mes vieux jours. Tu représentes donc mon intérêt personnel, le sanctuaire de mon égoïsme. Mais, pendant que je te placerai en lieu sûr et que je te ferai fructifier, tout souffrira autour de moi et je ne m’en soucierai pas ? Tu veux me tenter ? Va au diable ! je dédaigne ta séduction ; donc, je te méprise ! » Avec cette prodigalité-là, j’ai passé ma vie à ne me satisfaire jamais ; à écrire quand j’aurais[1]

  1. à Jean Baudry lui-même en le préférant à Olivier, qui retomberait alors où Jean Baudry l’a ramassé. Elle croit, comme Jean Baudry, qu’Olivier traverse la dernière crise du mal ; elle a pour lui la même sorte de tendresse que Jean Baudry, elle l’aime pour le parfaire ; elle veut être la mère de son âme, comme il en est le père. Elle épouse mieux Jean Baudry en ne l’épousant pas et en collaborant à son œuvre qu’en stérilisant son effort de onze années. Ce n’est donc pas par incrédulité à la grandeur des femmes, ô chère grande femme ! que j’ai voulu qu’Andrée préférât le cœur imparfait au cœur parfait ; elle fait acte de grande bonté et de grand courage en choisissant celui qui a le plus besoin d’elle, non pas seulement pour être heureux, chose secondaire, mais pour être bon, chose essentielle.

    Et, maintenant, me pardonnerez-vous de n’avoir pas fait de mon dénouement une distribution de prix Montyon, et d’Andrée l’âne savant qui va présenter la patte à la personne la plus honnête de la société ?

    Me pardonnerez-vous de vous ennuyer si longuement de ma défense ? Mais, si je plaide devant vous, c’est que je reconnais votre juridiction ; je ne réponds pas à tout le monde, je n’assomme que vous ; voilà ce que rapporte le génie. Mais, pardonnez-moi ou non, moi, je vous remercie.


    AUGUSTE VACQUERIE.
    Paris, 7 janvier 1864.