Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 6.djvu/387

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grande ! Non, vous ne reculez pas devant l’aridité inévitable des commencements.

Vous faites de la critique et vous vous forgez un autre idéal. Votre critique ne tombe pas juste : vous dites que la théorie et la pratique du Droit se contredisent. Supposons que ce soit vrai ! raison de plus pour savoir la théorie du droit et connaître l’histoire de cette théorie dans l’esprit humain. C’est l’histoire de l’homme civilisé sur la terre que vous dédaignez d’apprendre, et vous croyez que vous pouvez devenir un bon écrivain en décidant d’avance que vous voulez l’ignorer ; mais c’est vouloir supprimer en vous votre raison d’être. Ne vous ai-je pas dit plusieurs fois que cette ignorance était une des misères de ma vie, non pas seulement, comme être civilisé et agissant, mais comme écrivain et artiste ? Il y a là pour moi une porte fermée ; on vous l’ouvre toute grande et vous refusez d’entrer, quand vous avez la jeunesse, c’est-à-dire la facilité, la mémoire et le temps ! oui, le temps, enfant gâté que vous êtes.

Vous vous plaignez d’une vie trop mondaine : à qui la faute ? On vous distrait parce qu’il vous plaît de vous laisser distraire. Quand on veut s’enfermer, on s’enferme ; quand on veut travailler, on travaille au milieu du bruit ; il faut même s’y habituer, comme on s’habitue à dormir à Paris au milieu du roulement des voitures.

Vous voulez être littérateur, je le sais bien. Je vous ai dit : « Vous pouvez l’être si vous apprenez tout. »