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Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 6.djvu/72

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révolte depuis trois mois contre cette théorie odieuse qu’il faut martyriser la France pour la réveiller. Ne croyez pas cela ! La France est bonne, vaillante, dévouée, généreuse. Mais vous ne vous doutez pas à Paris de la manière dont elle est administrée. — Que de choses j’aurais à vous dire ! — Ah venez, venez vite, si vous pouvez sortir de Paris. Amenez-moi mon cher Plauchut, s’il peut s’absenter, et mes Lambert ; au moins la femme et l’enfant. J’imagine qu’on ne retiendra pas les femmes et les enfants. Nous sommes comme ivres d’émotion et de surprise. Nous redoutions pour Paris les derniers malheurs…

Vous enverrai-je cette lettre par Londres ? c’est bien long. J’attends à demain pour savoir s’ils laisseront passer les lettres pendant l’armistice. Je ne l’espère pas.

Lundi. — Pas de nouvelles. Le numéro du Moniteur, organe de Gambetta, ne publie pas encore la dépêche d’hier. Peut-être ne l’avait-on pas reçue au moment où le journal a paru. Mais il nous prépare, depuis quelques jours, à blâmer tout effort de conciliation. Il a un ton dépité, et je crains une division marquée entre le Gouvernement de Paris et la Délégation, c’est-à-dire entre Jules Favre et Gambetta. Les créatures de ce dernier ont dit, sur tous les tons, que la reddition de Paris n’engagerait pas la France. Mais on a l’impudeur de nous dire que la guerre ne fait que commencer sérieusement. C’est donc pour s’amuser qu’on a fait périr, depuis trois mois, tant de pauvres enfants par