Page:Sand - Cosima.djvu/81

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ainsi ?… Et moi, n’emporterai-je de cet amour, si tôt sacrifié au devoir, aucun souvenir dont l’ivresse rachète le vide affreux où ma vie va se consumer ? Oh ! ne t’arrache pas de mes bras, sans m’avoir fait croire à cet amour que je vais aussitôt immoler à ton honneur et à ton repos !… Tiens !… laisse-moi te dire…

COSIMA, se levant avec douleur.

Ah ! vous ne m’avez pas comprise !

ORDONIO.

Tu ne m’aimes pas !…

COSIMA.

Et vous, vous ne m’estimez point !…

ORDONIO.

Si tu veux que je t’estime, prouve-moi que tu m’aimes.

COSIMA.

Hélas ! je suis ici, et vous pouvez en douter !

ORDONIO, à part.

Au fait !… elle est ici… (il jette un regard significatif et rapide autour de la chambre, et se rapproche de Cosima avec assurance.) Ne me pousse pas au désespoir… J’ai trop souffert, vois-tu !… Et tu veux que j’épuise ce calice sans adoucissement, sans consolation, sans souvenir enfin !… Car tu invoques l’avenir, toi ! Eh bien, si tu m’aimais, tu ne t’effrayerais pas d’y porter la pensée de m’avoir fait heureux ! Ne me fuis pas !…

COSIMA, s’appuyant sur la porte secrète de droite.

Adieu ! Tout ce que vous me dites me déchire, car c’est tout le contraire de ce que je venais vous demander !… Adieu !… Oubliez-moi… (Elle cherche à ouvrir la porte, et, comme elle n’y réussit pas et qu’Ordonio s’avance vers elle d’un air hardi, elle commence à s’effrayer et lui dit toute tremblante.) Aidez-moi donc à ouvrir cette porte !

ORDONIO, avec véhémence et l’attirant vers le milieu du théâtre.

Tu veux partir ? Ah ! tu ne crois pas que j’y consentirai !…

COSIMA, avec force et le repoussant.

Laissez-moi, monsieur !