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sitôt le papa recommençait à la vider. Heureusement on l’emmena à l’autre bout de la table et je pus présenter mon dos à une belle flambée qui égaya enfin le local.

— Heureux les avares ! pensais-je. Ils n’ont jamais froid ni faim. Ils arrivent à surmonter toutes les exigences de la nature et à se pétrifier au physique comme au moral.

Celui-ci est un type qui serait odieux s’il n’était burlesque. Croirais-tu que je ne l’avais jamais vu ? Il s’était mis sur son dimanche pour nous recevoir, c’est-à-dire qu’il avait son habit de noces du Directoire, un drap jaunâtre usé jusqu’à la corde ; un grand gilet jaune d’une époque antérieure, je crois, lui tombait jusqu’aux genoux. Sa queue, ficelée d’un ruban immonde, remontée par son grand collet d’habit dans une position horizontale, allait caresser l’oreille de son voisin chaque fois qu’il tournait la tête, et il la tournait souvent, inquiet du zèle que ses servantes, plus hospitalières que lui, mettaient à nous servir. Il ne songea pas à profiter des douceurs culinaires qui ne lui coûtaient rien que le bois et le charbon. Il refusa les mets choisis qu’on lui offrait, disant qu’il n’avait pas