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Page:Sand - Flamarande.djvu/181

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terroger les gens de la maison ou le docteur, qui venait tous les jours. Elle voulait savoir si on avait pris des informations le long du fleuve jusqu’à la mer, elle voulait entreprendre cette exploration, et, si monsieur ne s’y fût opposé, elle serait partie tout de suite.

Il arriva alors une chose assez bizarre et bien imprévue : c’est que la population environnante, au lieu de croire la comtesse folle ou de la trouver seulement déraisonnable, se prit à partager ses illusions et à dire tout haut que rien ne prouvait la mort, tandis qu’il y avait des probabilités pour l’enlèvement. Le paysan aime le merveilleux, et bien des gentilshommes partagent ses superstitions. On parla de nourrices voleuses d’enfants qui spéculaient plus tard sur leur restitution. On parla aussi de bohémiens, et on réveilla même de vieilles légendes sur des esprits funestes qui sortaient du fleuve dans les inondations et allaient chercher des enfants jusque dans leur berceau pour les porter dans la demeure d’autres familles, procédant ainsi à des échanges fantastiques, suivis de grands malheurs.

Les imaginations, une fois éveillées par l’intérêt qu’inspirait la comtesse de Flamarande et les espérances où elle s’obstinait, ne connurent plus de frein. Une vieille femme prétendit avoir vu une forme blanche traverser la Loire furieuse en marchant tranquillement sur les eaux avec un petit