Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/602

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le Petit Poucet, Peau d’Ane, Bellebelle ou le Chevalier Fortuné, Serpentin vert, Babiole et la Souris bien-faisante ! Je ne les ai jamais relus depuis ; mais je pourrais tous les raconter d’un bout à l’autre, et je ne crois pas que rien puisse être comparé, dans la suite de notre vie intellectuelle, à ces premières jouissances de l’imagination.

Je commençais aussi à lire, moi-même mon Abrégé de mythologie grecque, et j’y prenais grand plaisir, car cela ressemble aux contes de fées par certains côtés. Mais il y en avait d’autres qui me plaisaient moins : dans tous ces mystères, les symboles sont sanglans au milieu de leur poésie, et j’aimais mieux les dénoûmens heureux de mes contes. Pourtant les nymphes, les zéphirs, l’écho, toutes ces personnifications des rians mystères de la nature, tournaient mon cerveau vers la poésie, et je n’étais pas encore assez esprit fort pour ne pas espérer parfois de surprendre les napées et les dryades dans les bois et dans les prairies.

Il y avait dans notre chambre un papier de tenture qui m’occupait beaucoup. Le fond était vert foncé, uni, très épais, verni, et tendu sur toile. Cette manière d’isoler les papiers de la muraille assurait aux souris un libre parcours, et il se passait, le soir, derrière ce papier, des scènes de l’autre monde, des courses échevelées, des grattemens furtifs et de petits cris fort mystérieux. Mais ce n’était pas là ce qui m’occupait