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Page:Sand - Impressions et souvenirs, 1873.pdf/330

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IMPRESSIONS ET SOUVENIRS.

garde rien et ne prend aucun soin d’élever son esprit au niveau du sort qu’il prétend conquérir ; mais il y a le prolétaire universel, l’enfant, c’est-à-dire l’ignorant de toutes les classes, celui qu’on peut encore former pour la vie sociale et pour les luttes mieux comprises et mieux posées de l’avenir. Celui-là, chacun de nous l’a sous la main, car c’est l’élève de son cœur, le rejeton qu’il porte dans ses bras. Il le promène, il le dégrossit, il lui explique les objets nouveaux ; si l’élève est intelligent, de bonne heure il est capable de s’intéresser à toutes les choses que l’existence lui propose de posséder par le fait ou par la pensée.

Eh bien, quand vous l’aurez conduit dans tous les centres d’où la vie sociale rayonne, ou sur tous les chemins où elle fonctionne, quand vous lui aurez appris ce que c’est que l’industrie, les sciences, les arts et la politique, il y a encore une chose dont il ne se doutera pas si vous ne la lui avez pas révélée, et cette chose c’est le respect religieux du beau dans la nature. Il y a là une source profonde de jouissance calme et durable, une immersion de l’être dans les sources mystérieuses d’où il est sorti, une notion à la fois pieuse et positive de la vie, dont vos chemins de fer, vos machines, vos navires, vos manufactures, vos théâtres et vos églises ne lui auront pas encore donné une idée nette et vraie. Il aura appris comment la vie s’em-