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IMPRESSIONS ET SOUVENIRS.

scientifique ne trouve pas le remède assez vite.

Irons-nous chercher tous nos bois de travail en Amérique ? Mais la forêt vierge va vite aussi et s’épuisera à son tour. Si on n’y prend garde, l’arbre disparaîtra et la fin de la planète viendra par dessèchement sans cataclysme nécessaire, par la faute de l’homme. N’en riez pas, ceux qui ont étudié la question n’y songent pas sans épouvante.

On replantera, on replante beaucoup, je le sais, mais on s’y est pris si tard que le mal est peut-être irréparable. Encore un été comme celui de 1870 en France, et il faudra voir si l’équilibre peut se rétablir entre les exigences de la consommation et les forces productives du sol. Il y a une question qu’on n’a pas assez étudiée et qui reste très-mystérieuse : c’est que la nature se lasse quand on la détourne de son travail. Elle a ses habitudes qu’elle quitte sans retour quand on les dérange trop longtemps. Elle donne alors à ses forces un autre emploi ; elle voulait bien produire de grands végétaux, elle y était portée, elle leur donnait la séve avec largesse. Condamnée à se transformer sous d’autres influences, la terre transforme ses moyens d’action. Défrichée et engraissée, elle fleurit et fructifie à la surface, mais la grande puissance qu’elle avait pour les grandes créations elle ne l’a plus et il n’est pas sûr qu’elle la retrouve quand on la lui rede-