Page:Sand - Jean Ziska, 1867.djvu/198

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m’a rendu une sorte de sérénité ; il me semble qu’à présent je pourrai dormir… Mon Dieu, je n’ai pas d’autre ami que vous !… Depuis le jour fatal où ce secret funeste m’a été dévoilé, je ne me suis jamais endormi sans remettre mon âme entre vos mains, et sans vous demander la justice et la vérité !… Vous me devez plus de secours et de protection qu’à tout autre, car je suis une étrange victime !…

(Il s’endort.)

ASTOLPHE, se relevant.

Impossible de dormir en paix ; d’épouvantables images assiègent mon cerveau. Il vaudra mieux me tenir éveillé ou boire une bouteille de ce vin que le charitable sbire, ému jusqu’aux larmes par la jeunesse et par les écus de mon petit cousin, a glissée par là… (Il cherche sous les bancs, et se trouve près du lit de Gabriel.) Cet enfant dort du sommeil des anges ! Ma foi ! c’est bien, à son âge, de dormir après une petite aventure comme celle de ce soir. Il a pardieu ! tué son homme plus lestement que moi ! et avec un petit air tranquille… C’est le sang du vieux Jules qui coule dans ces fines veines bleues, sous cette peau si blanche !… Un beau garçon, vraiment ! élevé comme une demoiselle, au fond d’un vieux château, par un vieux pédant hérissé de grec et de latin ; du moins c’est ce qu’on m’a dit… Il parait que cette éducation-là en vaut bien une autre. Ah ça ! vais-je m’attendrir comme le cabaretier et comme le sbire parce qu’il a promis de payer mes dettes ? Oh, non pas ! je garderai mon franc-parler avec lui. Pourtant je sens que je l’aime, ce garçon-là ; j’aime la bravoure dans une organisation délicate. Beau mérite, à moi, d’être intrépide avec des muscles de paysan ! Il est capable de ne boire que de l’eau, lui ! Si je le croyais, j’en boirais aussi, ne fut-ce que pour avoir ce sommeil angélique ! mais, comme il n’y en a pas ici… (Il prend la bouteille et la quitte.) Eh