Page:Sand - Jean de la Roche (Calmann-Levy SD).djvu/19

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fond, amassé jadis autour des premiers essais de la peinture à l’huile, et se préoccupant des secrets du métier plus que du sens des œuvres et des progrès réels de l’art. Cela est assez naturel. C’est donc aux artistes de s’expliquer quelquefois, de dire que le procédé n’est rien, et que l’affaire du public n’est pas de chercher les ouvriers qui ont broyé la couleur, ou les modèles qui ont posé devant le peintre, mais d’examiner le tableau, d’en comprendre les qualités ou les taches, et de l’apprécier suivant ce qu’il enseigne plus ou moins bien, à savoir l’élévation des sentiments et des idées, le sens de l’art, la manifestation du beau dans le vrai ou du vrai dans le beau, la science du réel ou l’émotion de l’idéal.

Si l’artiste est resté au-dessous de sa pensée et de la vôtre, s’il a dans les types humains avili l’empreinte de la Divinité sous une interprétation sordide, condamnez-le : mais si, en étudiant le réel avec conscience, il a respecté la noblesse de l’origine céleste, ne cherchez pas autour de vous les noms ou les traits de ses modèles. Ils existent sans doute dans la réalité, car nul n’invente en dehors de ce que peuvent percevoir les sens, et les dieux mêmes se présentent à l’imagination sous des traits humains ; mais, en se traduisant sous la main d’un artiste véritable, ces modèles, grands ou vulgaires, effrayants ou suaves, entrent dans une vie