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Page:Sand - Jean de la Roche (Calmann-Levy SD).djvu/309

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vu renoncer à elle dans un temps où elle ne renonçait pas à moi ?

— Ah ! si cela pouvait être ! me disais-je. Si elle avait eu contre moi l’amertume que j’ai eue contre elle ! Si elle avait souffert autant que moi,… c’est-à-dire si elle m’aimait comme je l’aime !

Tout se résumait dans cette pensée. J’étais ivre de joie, et la peur me retenait encore. J’allais lui parler à cœur ouvert, et, au moindre mouvement qu’elle faisait, je tremblais de rencontrer son regard déjà séché et son malicieux sourire recomposé sur sa figure impénétrable.

Elle rompit le silence sans se retourner.

— Est-ce que vous croyez, me dit-elle en me montrant la cime du Sancy, que mon père et mon frère arriveront à temps pour voir de là-haut le soleil sortir de l’horizon ?

— Je ne le crois pas, répondis-je ; mais vous, ne souhaitez-vous point le voir ?

— Je sais, répondit-elle, que c’est une des plus belles choses du monde ; mais, comme cela ne se peut pas…

— Mais si cela se pouvait ?

— Je vous dis, reprit-elle d’un ton ferme, que cela ne se peut pas, et que je n’y songe pas.

Je m’approchai de Leclergue, qui dormait déjà.