Page:Sand - Jean de la Roche (Calmann-Levy SD).djvu/33

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larmes du veuvage, soit qu’elle se fût tracé un plan de conduite à mon égard. J’ai pensé souvent que, me voyant couver une grande ardeur d’expansion sous mon air tranquille, elle s’était efforcée de me contenir le plus longtemps possible par un aspect de dignité calme. C’était peut-être me condamner à jeter hors d’elle et de moi-même la flamme intérieure qu’elle s’efforçait de comprimer.

S’il y a là un reproche contre elle (et ce n’est pas ainsi que je l’entends), c’est du moins le seul que je puisse adresser à sa mémoire. Elle était d’une justice et d’une mansuétude admirables. L’austérité de son âme ne répandait ni aigreur dans ses manières, ni amertume dans ses paroles. Sa piété n’avait pas d’intolérance, sa charité ne faisait pas de choix. Elle était estimée et respectée, elle eût été aimée de son entourage si elle eût voulu dire à qui que ce soit un mot d’amitié ; mais il semblait qu’après l’amour de mon père elle ne voulût plus connaître d’affection, si pure qu’elle pût être, en ce monde. La mienne même ne paraissait pas lui être nécessaire. Elle avait l’air de l’accepter pour me tenir dans l’exercice d’un devoir, mais elle n’attirait aucune démonstration, et je la craignais, bien qu’elle ne m’ait jamais fait l’ombre d’un reproche. Toute sa remontrance, quand j’avais failli, consistait à me prouver que je m’étais nui à moi-