Page:Sand - Journal d’un voyageur pendant la guerre.djvu/24

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Ils ont beau dire, ils ne sont point paysans. Ils appartiennent à la bonne bourgeoisie, à la vraie, celle qui identifie sa tâche à celle du laboureur et le considère comme son égal ; mais cette égalité n’est pas la similitude. On a beau défendre au paysan d’appeler mon maître le propriétaire du champ qu’il cultive, il veut que la possession soit une autorité. Il ne voit dans la société qu’une hiérarchie de maîtrises à conserver, car il est maître aussi chez lui, et il n’y a pas longtemps qu’il admet sa femme à sa table. Il a de la maîtrise cette notion qu’elle n’est pas donnée par le travail et pour le travail seulement. Il veut qu’elle soit de tous les instants et s’étende à tous les actes de la vie. C’est en vain que le bourgeois éclairé lui dit :

— Je ne suis que le patron, celui qui dirige l’emploi des forces. Quand la charrue est rentrée, quand le bœuf est à l’étable, je n’ai plus d’autorité ; vous êtes mon semblable, nous pouvons manger ensemble ou séparément, nous pouvons penser, agir, voter, chacun à sa guise. En dehors