Page:Sand - Journal d’un voyageur pendant la guerre.djvu/259

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

prendre une forte dose d’opium pour se rendre indifférent par idiotisme. — Non ! on n’a pas le droit de ne pas souffrir. Il faut savoir, il faudra se souvenir. Il faut tâcher de comprendre à travers les ténèbres dont on nous enveloppe systématiquement. À en croire les dépêches officielles, nous serions victorieux tous les jours et sur tous les points. Si nous avions tué tous les morts qu’on nous signale, il y a longtemps que l’armée prussienne serait détruite ; mais, à la fin de toutes les dépêches, on nous glisse comme un détail sans importance que nous avons perdu encore du terrain. Quel régime moral que le compte rendu journalier de cette tuerie réciproque ! Il y a des mots atroces qui sont passés dans le style officiel :

Nos pertes sont insignifiantes, — nos pertes sont peu considérables.

Les jours de désastre, on nous dit avec une touchante émotion :

— Nos pertes sont sensibles

Mais pour nous consoler on ajoute que celles