Page:Sand - Journal d’un voyageur pendant la guerre.djvu/39

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trie, à l’ombre de leurs tilleuls en fleurs, tandis que leurs fiancées préparaient leurs pipes et rinçaient leurs verres. Il leur semblait qu’un siècle s’était écoulé depuis un rude voyage à travers la France. Ils disaient :

— Nous avons été bien cruels !

— La France le méritait.

— Au début, oui, peut-être, elle était insolente et faible ; mais le châtiment a été trop loin, et sa faiblesse matérielle est devenue une force morale que nous n’avons su ni respecter ni comprendre.

— Ces Français, dit le troisième, sont les martyrs de la civilisation ; elle est leur idéal. Ils souffrent tout, ils s’exposent à tout pour connaître l’ivresse de l’esprit ; que ce soit empire ou république, libre disposition de soi-même ou démission de la volonté personnelle, ils sont toujours en avant sur la route de l’inconnu. Rien ne dure chez eux, tout se transforme, et, qu’ils se trompent ou non, ils vont jusqu’au bout de leur illusion. C’est un peuple insensé,