Page:Sand - L Autre.djvu/50

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MARCUS.

Oh ! le bonheur, ma chère, c’est un état négatif ; c’est l’absence de préoccupations.

HÉLÈNE.

Je m’habituerai à cette appréciation de la vie.

MARCUS.

Eh bien, attends un peu. Tu me jures que ce n’est pas un coup de tête, que tu n’avais pas rêvé l’idéal avec moi ?

HÉLÈNE.

Je te le jure.

MARCUS.

Alors… écoute à ton tour. Voici ma théorie, à moi. On se repent de l’enthousiasme, on se dégoûte de la passion, on en vient toujours à mépriser les idoles ; leur état, c’est d’être souffletées un jour ou l’autre. L’amitié ne laisse pas de remords, elle n’est pas l’esclave du caprice. La nôtre dure sans nuages depuis notre enfance, elle peut durer autant que nous ! Hélène, je ne t’ai jamais parlé mariage parce que je savais que ta grand’mère le désirait et que j’eusse craint de tromper l’attente de ta jeune imagination : j’aurais tremblé, j’aurais fui peut-être devant ton amour. Mais, puisque c’est la raison qui prononce, j’accepte ton amitié, ta confiance et ta main.

HÉLÈNE.

Va vite dire à bonne-maman que nous sommes décidés.

MARCUS.

Non ! nous savons qu’elle approuvera ; mais la position où je suis désormais me défend l’initiative. Tu l’as prise, c’est à toi de la conserver.

HÉLÈNE.

J’y vais.

Elle sort.
MARCUS, étonné, et comme ivre.

Eh bien, voilà une solution inattendue, par exemple ! elle