Page:Sand - L Homme de neige vol 1.djvu/282

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vailler pour vivre, il avait fini par faire des dupes.

— Vous le saviez ?

— Je le savais, mais je n’eus pas le courage de le lui reprocher dans un moment où il me sauvait la vie. Il était, comme moi désormais, dans le plus complet dénûment. Il avait pris la fuite avec quelques écus dont il s’était servi pour acheter à un saltimbanque l’établissement de marionnettes qui ne lui servait pas tant à gagner sa vie qu’à cacher sa figure.

» — Vois-tu, me dit-il, l’état que je fais maintenant est, de ma part, un trait de génie. Il y a déjà deux mois que je parcours le royaume de Naples sans être reconnu. Tu me demanderas comment je ne me suis pas sauvé plus loin : c’est que plus loin j’ai aussi des créanciers, et qu’à moins d’aller jusqu’en France, j’en trouverai toujours sur mon chemin. Et puis j’avais laissé à Naples de petites aventures d’amour qui me chatouillaient encore le cœur, et je me suis tenu dans les environs. Grâce à cette légère guérite de toile, je suis invisible au milieu de la foule. Tandis que tous les yeux sont fixés sur mes burattini, personne ne songe à se demander quel est l’homme qui les fait mouvoir. Je passe d’un quartier à l’autre, marchant debout dans ma carapace, et, une fois hors de là, nul ne sait si je suis le même homme qui a diverti l’assistance.