Page:Sand - L Homme de neige vol 1.djvu/292

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les abîmes de ce monde vicieux et incrédule, je m’étais défendu et sauvé en invoquant le souvenir de Silvio et de Sofia.

» Mais ce n’était pas assez d’avoir évité le mal, il eût fallu faire le bien. Le bien est une œuvre relative à la position et à la capacité de chacun de nous. Mon devoir, à moi, eût été de reprendre les travaux de Silvio Goffredi, et de me mettre à même, par mon économie, d’écrire et de publier les résultats de ses recherches. Pour cela, il eût fallu trouver moyen d’acquérir quelque fortune afin de compléter ses voyages. J’y avais songé d’abord, et puis l’inexpérience, les sens et le mauvais exemple m’avaient entraîné à vivre au jour le jour comme un aventurier. Cette vie d’aventures m’avait, en somme, mené à ma perte. Si je fusse resté à la place qui convenait à un modeste professeur, je n’eusse pas été forcé de tuer Marco Melfi. Il n’eût pas songé à m’insulter, et il ne m’eût pas même rencontré dans les salons du cardinal ; il ne fût pas venu me chercher dans mon cabinet de travail, au milieu de mes livres ; il n’eût seulement pas su que j’existais. Je n’avais pas mené la vie qui convenait à un homme sérieux. J’avais voulu faire le gentilhomme, il avait fallu devenir spadassin.

» — Combien, pensais-je, pleurerait ma pauvre mère, si elle me voyait là, travesti en farceur de carrefours ;